Il y a ces jours où tout semble vous mener à un évènement particulier. Ces jours où, où que vous soyez, quoique vous fassiez, vous ne cessez de vous étonner face à toutes ces scènes et coïncidences qui vous plongent immanquablement dans ces souvenirs agréable ou non, qu'on préférait oublier, ou qu'on échangerait pour rien au monde. Dans ces moments là, qu'on croît au non au destin, lorsque l'événement en question vous tombe dessus, sans prévenir, et sans que vous eussiez seulement osé penser à une scène de ce genre, toute votre journée vous revient en mémoire, jusqu'au moindre petit détail et alors vous vous dîtes que oui, décidément, vous auriez du le deviner.

Que ce soit l'un de ces jours ou non, Ji Heon n'avait aucun moyen de le savoir. Il s'était levé beaucoup trop tôt, comme tous les matins, et avait parcouru son appartement de long en large, à la recherche d'une occupation quelconque. Le problème d'être de nature silencieuse était souvent que l'on pensait trop, et tout le temps. La nuit, le jour, où que ce soit. Et tous ces mots et ces phrases qui tournaient dans son crâne finissaient par lui embrumer l'esprit, le rendant, au mieux, las et inefficace. Alors il avait cherché, en vain, quelque chose à faire, quelque chose qui puisse l'occuper assez longtemps pour oublier même sa capacité à penser. Dormir davantage lui aurait été impossible, car il craignait l'immobilité qui ne faisait qu'amener un peu plus de réflexions. Mais pourquoi tant de hâte à se dissimuler à lui-même ses pensées ? Pourquoi cette nervosité, et toute cette tension qui semblait ne pas vouloir le quitter ? Était-ce à cause de ce nom qui lui était venu à l'esprit hier au soir, et qui ne l'avait plus quitté depuis ? Pourquoi ? Pourquoi cela devait-il être si important, puisqu'il était partie, avait changé de vie, et que lui comme cet incident n'avaient été que deux petites choses, deux détails infimes dans cette partie de son existence, celle qu'il tentait désespérément d'effacer. Et pourtant, aussi court que fut ce moment, aussi insignifiant puisse-t-il être, le simple souvenir l'avait empêché de fermer l'œil, le forçait à présent à revisiter son appartement. C'était... agaçant. Peut-être aurait-il été plus simple de s'asseoir un instant, d'y repenser longuement, de tourner tous ses souvenirs dans tous les sens, et de les mettre dans un coin, pour le reste de sa vie. Mais il ne pouvait définitivement pas faire cela, parce-que quoiqu'il en dise, années ou non, il avait comme l'impression que s'il ne faisait que tendre la main, il pourrait toucher ses souvenirs et les sentir sous ses doigts, comme il avait senti sa peau, sans vraiment le vouloir.

« Avachi dans un des fauteuils du salon, j'observais tous ces vautours dans notre maison qui, sous le prétexte d'une invitation, se croyaient tout permis. Les voir se goinfrer me donnait la nausée, plus encore que le fait de devoir être là, à faire semblant de fêter l'anniversaire d'un père que pour rien au monde je ne m'abaisserais à aimer. J'avais 17 ans, était déjà aussi grand que la plupart des convives, et parlait sans doute avec plus de raffinement qu'eux tous réunis et pourtant, pas un seul ne l'avait vu autrement que comme un adolescent rebelle, presque effrayant avec ses yeux sombres et ses airs agressifs. Alors tous faisaient comme s'il n'existait pas, évitant de passer à proximité de là où il était assis, près des autres verres en plastique qu'il avait déjà aplati dans ses mains. Ji Heon ? dit soudain la voix douce, bien trop douce, de sa mère. Si elle était née un peu, un tout petit peu, plus dure, peut-être aurait-il pu apprendre à aimer cette maison, ce foyer, pervertie par un père trop dur et contre quoi tout l'amour d'une mère ne pouvait rien. Mais je taisais ces pensées qui, de toute façon, reviendraient bien assez vite, et levait les yeux pour croiser ceux de ma mère, qui avait près d'elle deux jeunes adolescents. L'un était brun, petit même pour son âge, et semblait nerveux de nature, les yeux brillants, comme ceux de tous ces enfants loin d'être désillusionnés par les épreuves répétées. Puis je reportais mon attention sur l'autre, qui semblait à peine plus âgé, mais bien plus posé. On lisait dans ses yeux une certaine maturité, mais aussi une certaine colère, tapis dans l'ombre de ses pupilles. Et ces yeux là, posés sur moi, me mirent étrangement mal à l'aise. En tous les cas me sentis-je obligé de froncer les sourcils, alors que je détournais le regard. Ji Heon, voilà Chu Woo Yun, et son ami, An Bo Hyun. Je pensais que, comme vous êtes presque du même âge, tu pourrais peut-être... Elle se tut sous l'assaut de mon regard, qui exprimait tout ce que je ne voulais même pas prendre la peine de dire : il était hors de question qu'on me fiche ces deux gosses entre les pattes. Mais elle baissa les yeux, se soustrayant à mes regards noirs. Peut-être que vous pourriez faire connaissance. Et cela n'était pas une question. Je savais qu'elle désespérait de me voir un jour trouver un ami, quelqu'un sur qui compter, mais elle ignorait que si je ne me donnais pas la peine de chercher, c'est que je n'avais nul intention de passer beaucoup plus de temps ici, dans cette maison comme dans cette ville. Elle partit sans prendre la peine d'attendre une réponse, me laissant les deux gosses sur les bras. Je soupirais, avant de me relever lentement, et de les dépasser, sans un regard. Faîtes ce que vous voulez, suivez-moi ou pas, mais je ne reste pas là. Et je sus qu'ils m'avaient une fois dans l'escalier, alors que leurs pas faisaient écho aux miens. »

Il lâcha le livre qu'il avait entre les mains, et y enfouit sa tête, tout en étouffant un gémissement de frustration. Ses souvenirs semblaient bien décidés à l'assaillir pour le restant de la journée. Peut-être était-il trop seul. Il n'avait rien d'autre à penser que le silence, qui devenait presque intolérable. Paradoxalement, il ne s'imaginait pas non plus entouré, et noyé sous les bruits quelconques. Quant à trouver quelqu'un pour l'aider à se changer les idées... le simple fait de s'imaginer parler lui donnait plus mal à la tête encore que ses souvenirs encombrants. Ji Heon soupira encore, prisonnier de pensées et de choix qu'il ne pouvait faire. Allait-il devenir fou aujourd'hui ? Il rit. Peut-être bien que oui. Fou de pensées et d'actes manquées, de souvenirs entêtants. Fou ses désirs inavoués, inassouvies. Fou de frustration. Il lança brusquement le livre, qui atterrit à l'autre bout de la pièce, après avoir heurté le mur. Il devait sortir. Sortir et oublié qu'il avait, un jour, eu la capacité de penser. Sans réfléchir davantage, il quitta son siège, fit un détour par sa chambre pour attraper une veste, et sortit sans même prendre le temps de verrouiller sa porte. A peine sentit-il le vent caresser sa peau brûlante qu'il sembla respirer de nouveau. Il en eut presque les larmes aux yeux.

« Était-ce du aux bouteilles que j'avais réussi à subtiliser ? Ou peut-être à ces yeux noirs qui n'avaient cessé de m'intriguer depuis la première fois qu'ils s'étaient posés sur moi. Toujours est-il que je m'étais senti soudain forcé de me rapprocher, rien que pour voir... Il ne réagit pas, ne comprenant sans doute pas. Pas plus que moi. Ce n'étaient que basses pulsions. Celle d'un ado hésitant et trop impulsif. Je le savais oui. Pertinemment. Et pourtant, je ne parvenais pas à m'arrêter. Je devais le toucher. Je devais... »

Il secoua la tête. Il n'avait pas eu le temps de marcher une heure qu'il se retrouvait déjà incapable de penser à autre chose. Pourtant, tout était là pour le séduire, pour le forcer à regarder ailleurs que dans ses souvenirs. Mais lorsque son regard rencontré tour à tour un couple enlacé et un garçon qui ne devait pas être plus âgé que lui à cette époque, il se dit qu'il ne finirait certainement pas cette journée aussi sein d'esprit qu'il s'était levé. La bibliothèque apparu alors à l'angle de la rue, et malgré son silence, il fut irrémédiablement attiré. Quel meilleur endroit pourrait-il trouver lorsqu'il s'agissait de penser à autre chose qu'à lui-même ? Tous ces écrivains et livres qui n'attendaient que lui... il se voyait déjà devant un bon livre, en anglais de surcroît, au sujet le plus ardu possible. Oh oui. C'est sans doute là qu'il trouverait son bonheur. Celui de penser à autre chose qu'à sa propre vie, celle qu'il avait raté, avant de recommencer, pour le meilleur et pour le pire. Mais à peine poussa-t-il la porte du grand établissement qu'une voix cria, quelque part dans les rayonnages : KWON JI HEON ! JE TE MAUDIS ! Délire de persécution. Voilà qu'il était finalement réellement devenu fou. Il grimaça, et se força à entrer, conscient qu'il aurait été exagéré de se déclarer dingue, sans avoir été vérifié que quelqu'un là-bas, en était vraiment venu à le haïr, sans raisons apparentes. D'autant plus qu'il n'était peut-être pas le seul Kwon Ji Heon sur terre. Il s'avança alors, observant les visages, les expressions, les gestes aussi. Il reconnaîtrait sans doute quelqu'un à qui il avait fait tant de tort qu'il en ressentait encore le besoin de le crier ici, non ? Sa main effleura un premier rayonnage, puis un second. Personne ne lui rappelait quoique ce soit, et il commençait à se dire qu'il avait peut-être simplement rêvé, que ce cri venait de son passé, de celui qui ne cessait de le hanter depuis la nuit passée. Il avait presque réussi à s'en convaincre lorsqu'il cru le voir. Lui. Il se figea, les yeux écarquillés, tendu à l'extrême, les poings soudain serrés. Il rêvait sans doute, oui. Bien sûr qu'il rêvait. Quelle chance aurait-il pu avoir de le trouve ici, dans une ville si grande... mais quelle chance aurait-il pu avoir de le rencontrer là-bas, à Busan ? Des chances aussi grande que de le voir ici, sans doute. Et pourtant. Il ne bougea pas. Ne pouvait de toute façon plus faire le moindre mouvement. Il ne vit que lui d'abord, et peu à peu, sa vision s'éclaircit, et il la vit, elle. Elle qu'il ne connaissait pas, mais dont il aurait voulu tout savoir : les yeux brillants, elle regardait Woo Yun comme s'il n'était pas autre chose qu'un bonbon, qu'elle aurait volontiers dévoré. Ji Heon plissa les paupières, et se mordit la lèvre, incapable de contrôler les émotions qui se bousculaient en lui. Surprise, colère, regret, désir... jalousie. Jalousie.

Il s'élança, sans prêter la moindre attention à ce qui l'entourait. En quelques pas, il avait atteint Woo, et il s'empara de son poignet, le forçant à se lever, et à le suivre. Le suivre n'importe où. Et lorsqu'il s'arrêta enfin, entre deux rayons de livres désert, il respira de nouveau, la mains solidement accrochée au bras du jeune homme qu'il avait tiré jusqu'ici, sans qu'il n'ait voulu quoique ce soit. Sans qu'il n'ait même pris le temps de réfléchir. Il se tourna vers lui, et lorsque ses yeux accrochèrent les siens, il su que c'était ainsi qu'il l'avait reconnu, même de si loin. Ces yeux n'avaient cessé de le hanter, plus encore que les mots, ou les gestes échangés. Il resta planté là, face au premier homme à avoir suscité un moindre désir dans son cœur et dans tout son corps. Mais tout avait changé depuis. Tout et puis... il était partie. Peut-être n'était-il pas trop tard pour s'effacer de nouveau, faire comme si tout ceci n'était qu'un rêve, comme s'ils ne s'étaient jamais recroisés. Ji Heon n'ouvrit même pas la bouche, fit demi-tour, et s'enfuit, la gorge nouée, et le cœur plus douloureux qu'il ne l'avait jamais été.

« Lorsque j'effleurais ses lèvres des miennes, j'eus l'impression de n'avoir existé jusqu'ici que pour sentir la chaleur de sa peau, tout contre la mienne. »

Il contemple ce visage. Mais c’est son doux ovale qu’il perçoit. Il le hante. Sentir son parfum. Encore. Le jour où il le vit pour la première fois. Lui osant à peine le regarder. Woo Yun le dévisageant comme pour l'absorber. Cet instant hors du temps.
« Le téléphone est là, posé, silencieux. Il est devenu l'objet le plus précieux, le plus douloureux de la pièce... Il est l'objet de toutes ses attentions, Il le couve des yeux. Il attend...Il attend... Sa vie est devenue une longue attente, assis, là, en face du téléphone. Qui ne sonne pas. Qui ne sonnera plus? Qui sonnera. Et il décrochera le combiné et cet homme lui dira:" C'est moi..." Le téléphone est là, posé, silencieux. Il pleure doucement... »

Comment oublier. Il l'imagine....ça devient son sport préféré. Il lui fait une place dans ses pensées, dans ses rêves, ses blandices. Ces moments ou il se laisse aller a le vouloir, a l'entreprendre en vision. Les souvenirs sont ses seuls refuges et ses plus grandes douleurs. Mais il faut bien avancer n’est ce pas ? Ne plus regarder en arrière. Pas trop. Et marcher. Jusqu’où ? Pourtant cette fille, elle n’est pas si affreuse. Elle n'est pas vraiment belle... mais elle dégage quelque chose, il ne sait pas... Elle est assise en face de lui, de l'autre côté de la table, penchée sur son ouvrage. Elle fait tourner son crayon dans sa main, l'échappe, le rattrape, le tout avec une grâce. De temps en temps, elle lève la tête, lui jette un coup d'œil, revient sur ses livres, joue avec son crayon et recommence. Woo Yun l’intimide ? Inattendue. Lui, le garçon si maladroit, si réservé. Plaire à une demoiselle ? Pas que Yun ne soit jamais sortis avec une ravissante jeune femme. Mais ce fut toujours lui, allant à la rencontre de ces créatures à l’apparence si complexe. Vraie énigme, qu’elle en devient si attrayante. Soudain il se met à imaginer. Ne la quittant pas des yeux.

Un beau temps, une ambiance agréable. Pas le moindre chahut ne venait les déranger. Un paysage stupéfiant se dressait devant eux. Un vol de grues migrant vers le soleil levant. Tels deux amoureux. Dans une bulle. Le monde leur appartient. Ils se sentent supérieurs. Dominant tout. Les cheveux au vent. Ils marchent le long de ce fleuve qu'il aime tant, le long de ces quais chargés d'histoires. Ils marchent côte à côte, du même pas, ils dégustent une glace achetée sur la place à ce marchand qu'ils affectionnent. Ils marchent et dégustent, ils ne parlent pas, pas encore, il faut que ce temps passe, celui de la surprise de la rencontre. Il fait beau, le printemps ici est toujours un peu magique. Il chérit sa ville, sa chaleur, son histoire... Elle a fini, elle s'essuie délicatement la bouche avec un mouchoir, lui en offre-un. Il le prend, lui sourit, la fixe, la trouve gracieuse. Ils s'arrêtent maintenant, s'assoient dans l'herbe, il n'en revient toujours pas, elle est là. Ils regardent l'eau s'écouler paresseusement. Non, ils ne diront rien maintenant, l'instant est au bonheur d'être là, ensemble, c'est tout. Il est bien. La vie prend subitement une autre saveur, un peu sucrée, moins amère. Il affectionne bien ce goût. Puis, d’un geste spontané, il rapproche ses lèvres des siennes. Sauf que. Il revînt à la réalité. Quelque chose. Une chaleur. A son poignet. Le poussant en avant. Il n’eût pas le temps de reprendre ses esprits. Ne comprenant pas la situation. Se laissant guider. Simplement.

Puis tout s’arrête.
Les yeux écarquillés. Woo Yun déchiffre enfin la situation. Cet homme. Non. Tout était possible, sauf lui. Douleur. Une respiration. Il est comme figé. Ne pouvant détourner son regard. Rêve t-il ? Si ce fut le cas, c’est tout simplement horrible. Une douleur à la poitrine. Yun ne su que dire dans un moment pareil. Devait-il se mettre en colère ? Poser les mains sur un visage. Vouloir et ne pas oser. Puis s'aventurer davantage. Au risque de tout briser. Ses prunelles irisées. Sa bouche. Le toucher. Mais il ne peut. Après toutes ses années, voilà que celui qui met Woo Yun dans tous ses états se trouve juste devant lui. Encore une fois
Sa bouche. Sa bouche contre la sienne. Ce désir reprend le dessus. Sentir son corps contre le sien. Se sentir vivant. Silence. Long silence. Pesant. Mais bientôt interrompu. Celui-ci lâcha le poignet de Yun. Faisait demi-tour. Laissant le jeune homme impuissant. Non. Ce n’est pas possible. Lâche. Voulait-il encore l’abandonner ? Envie de l'écouter, de le faire rire, de mettre des larmes de joie au bout de ses cils, de voir briller les feux de l'étonnement au fond de son regard, lorsque la folie douce s'empare de Yun, lorsque sa langue bien pendue donne à ses questions des réponses qu’il n'attend pas, de lui voler, au milieu d'une conversation, des baisers chastes et doux.

« Attends ! Tu… Pourquoi ? » A son tour, il s’empara du poignet de Ji Heon. Le tenant fermement. Colère. Pourquoi ? Pourquoi être revenu vers lui si c’est pour s’enfuir si lâchement ? Etait-ce une sorte de provocation ? Voulait-il simplement vérifier si un idiot pensait encore à lui ? Affreux. Humiliation. Seul en son royaume son cœur souffrait, l’attendant. Il est revenu. L'absence de l'Autre, ce manque terrible qui vous empoigne, vous serre le cœur... on est brisé, réduit à néant, la vie n'est plus rien, ne vaut plus rien... tout est "dépeuplé"... Aimer, souffrir...verbes synonymes jalonnant notre vie... mais qu'est-ce la vie sans amour... qu'est-ce la vie sans… N’osant plus rien dire, Yun fit demi-tour. A quoi bon si l’être qu’il idolâtrait plus que tout ne désirait pas lui parler ? Il n’insisterait pas. Ce serait peine perdue. Sans arrêt, il est aspiré en arrière. Chaque pas en avant lui coûte, le fatigue, le détruit. Il y a de ces jours où tout est néant en lui, le vide absolu, le rien. Aujourd'hui en est un, tout lui semble vain. Les mois passent ... les mois s'égrainent dans sa mémoire...Bientôt il commencera à compter en années. Au moins la première... puis la deuxième... et puis il oubliera le jour de son départ. Il oubliera ce jour absent de tous repères. Il oubliera ce jour de mauvais rêve qui donne cette impression de virtuelle
Forcée de se pincer pour assimiler cette réalité. Il oubliera ce jour où Ji Heon l'a assassiné. Se laisser partir. Ici finit cette histoire ? Ici s'achève le chemin. En prendre un autre ? Peut-être. Il ne sait pas. Ou rester là un moment. Mais attendre quoi ?

Lui qui souhaitait, quelques minutes plutôt, oublier sa capacité de penser, voilà qui était fait. Sa tête n'était plus emplie que d'une sorte de bourdonnement incessant, où se bousculaient pensées et mots venus d'un lointain passé. Un passé qu'il aurait préféré oublier, et plus encore aujourd'hui, où il l'avait rattrapé avec une violence qui venait de lui souffler le cœur. Il n'était plus capable de réfléchir à ses gestes, et s'il avait réussi à quitter Woo Yun des yeux, il ignorait où et comment il avait pu en trouver la force. Ou la couardise. Mais il se sentit soudain retenu, ignorant si c'était ce qu'il avait souhaité, ou si, au contraire, il avait craint cela plus que tout au monde. Se retrouver face à... mais qui était-il réellement pour lui ? Sa place était dans ses souvenirs, dans ses souvenirs bien tassés au fond de son esprit, près de ceux qu'on ne voulait pas tout à fait oublier, sans qu'on le veuille véritablement. Il inspira lentement, profondément, mais alors qu'il allait se retourner, lui faire face, le regarder, il fut de nouveau retenu, mais cette fois pas une voix. Une voix qui résonna à ses oreilles comme venue du fond des âges, du fond de ses souvenirs : Attends ! Tu... Pourquoi ? Pourquoi ? Pensait-il qu'il ne s'était pas déjà posé la question plus d'une fois ? S'il y avait eu une réponse, il l'aurait sans doute trouvé depuis des années. Peut-être même avant de quitter Busan et cette vie dont il ne voulait plus, mais... mais à quoi cela aurait-il servi en somme ? Ils étaient juste terriblement jeunes et bouffés d'hormones, et ne s'étaient vu qu'une seule et unique fois. A vrai dire, avant de prendre sa décision et de partir, il n'avait pas vraiment pensé à lui. Et à tout cela. Non. Pas vraiment. Alors pourquoi accorder tant d'importance à tout cela ? Ils n'étaient que des ombres dans le passé de chacun, deux êtres qui avaient traversé la vie de l'un et de l'autre. Tout avait été vite. Trop vite pour que cela puisse les marquer si profondément. Oui. Bien sûr.

Et à force de ressasser de si doux mensonges, il se détendit, parvint à retrouver une respiration presque normale et se sentit soudain capable de soutenir le regard de Woo Yun, qui n'était rien d'autre qu'un souvenir, qu'un morceau de son passé recollé à son présent, et qui s'en détacherait sans doute bientôt. Mais alors qu'il se retournait, le visage neutre, il ne vit rien. Absolument rien. La panique qui s'empara alors de lui ne lui plu pas, néanmoins il n'y pu rien, et il sentit les larmes lui monter brusquement aux yeux, alors qu'il se retrouvait seul à nouveau. Seul comme lorsqu'il avait débarqué dans cette ville immense, sans personne pour le guider. Seul comme lorsqu'il avait du regarder la porte se fermer sur celui qui lui avait vraiment fait connaître le sens du mot "toucher". Ji Heon se mordit de nouveau la lèvre, et remonta sa main jusqu'à ses yeux, pliant et dépliant légèrement ses doigts. Sa paume le brûlait encore, rien qu'au souvenir du poignet qu'elle avait enserré. Ca n'avait rien eu en commun avec le contact qu'ils avaient partagé plus jeune et pourtant, il en avait été presque aussi bouleversé. Tout cela n'avait aucun sens, aucune logique. Il n'avait pas même partagé une nuit, à peine un baiser, alors qu'ils n'étaient que deux adolescents boutonneux en proie aux sensations fortes. Alors pourquoi est-ce que malgré tous ses efforts, il se sentait incapable d'effacer cette soirée ? La douceur de sa peau était encore imprégnée dans son crâne, et il se surprit à se demander si elle le serait encore autant. Il fronça les sourcils, et mit résolument ses deux mains dans ses poches. Et dame Solitude l'entoura de nouveau, les larmes embuant un peu plus tôt ses yeux affluant de nouveau. Existait-il donc une échappatoire à tout ceci ? Ou était-il condamnée à sans cesse se faire rattraper par sa vie d'avant ? Verrait-il un jour son père débarquer à la porte de son petit appartement ? Il eut un sourire en coin. Au moins, pour cela, il n'avait pas trop à s'inquiéter, sur que son paternel contenait encore assez d'égoïsme en lui pour oublier même qu'il avait eu un jour un fils. Il ferma les yeux un instant. Simplement quelques secondes, avant de relever la tête, et de sortir du rayon où ils se trouvaient tous les deux quelques minutes plus tôt.

Il ne mit pas longtemps à le retrouver. Il était là, tout près de la sortie, marchant d'un pas traînant mais cependant résigné. Il eut soudain honte de sa réaction. De ses réactions. Honte d'avoir un jour touché à quelqu'un qui n'aurait jamais mérité un tel traitement. Ji Heon pressa le pas, jusqu'à ce qu'il puisse prendre à nouveau le bras de Woo Yun dans sa main, et ce simple contact l'électrifia de nouveau, le figeant un instant de surprise. Il se reprit vite, s'empressant de lâcher le jeune homme, tenant à garder les idées claires. Ne me dis pas d'attendre si c'est pour t'enfuir à ton tour. A ton tour, oui. Car il reconnaissait ses fautes et ses faiblesses, et ça n'en était que plus terrible. Il se tut, attendant peut-être une réaction quelconque de son vis-à-vis, qui gardait le silence. Peut-être avait-il bien mérité de se voir ainsi ignoré, voire même méprisé. Oui, sans doute l'avait-il bien cherché et pourtant, il ne pouvait ôter ce pincement au cœur qui criait à l'injustice. S'il pouvait au moins l'écouter... juste quelques minutes. Quelques secondes. Il trouverait bien le moyen de se justifier. Mais il n'eut pas le temps de penser ou de dire quoique ce soit d'autres, que la séduisante jeune fille assise un peu plus tôt près de son "ami" fit son apparition. Elle ne les vit pas tout de suite, mais lorsque ce fut le cas, elle fronça les sourcils, et se dirigea vers eux, d'un pas décidé. Il ne prit même pas le temps de se demander si elle venait réellement les trouver, ou si elle avait simplement l'intention de quitter la bibliothèque. Sans réfléchir, il s'empara cette fois de la main de Woo, et le tira jusqu'à ce qu'il trouve un endroit assez discret et désert à son goût. Un endroit où elle ne pourrait surtout pas les retrouver. Où elle ne pourrait surtout pas le lui voler. Et cette dernière pensée le fit brutalement revenir sur terre. Non. Non, il ne pouvait décemment pas penser ainsi. C'était... impossible. Et c'est également à cet instant précis qu'il se rendit compte que sa main tenait toujours celle de Woo Yun. Qu'il la serrait aussi fort qu'il le pouvait, ses doigts entrelacés aux siens. Il fixa un instant ses deux mains accrochées l'une à l'autre avec le dernier des désespoir. Ji Heon écarquilla soudain les yeux, et retira brusquement sa main, les joues en feu. Pardon. dit-il simplement, alors qu'il reculait, comme apeuré. Pardon. répéta-t-il plus bas, incapable de dire s'il le faisait pour s'être enfui, pour avoir rompu tout contact, ou pour avoir eu le culot d'aller le trouver aussi simplement des années après être parti.

Rien qu’un manque de lui. Lui, l’absent. Son fantôme. Tourment. Au plus profond de son âme. Juste lui. Quatre ans. Toutes ces années sans le revoir. Et pourtant, il se souvient de chaque détail. Plusieurs rencontres. Plusieurs flirtes. Mais aucuns ne durent. Tout simplement parce qu’aucun n’est Ji Heon. Cela peut paraître futile. Quelle importance. C’est comme un premier amour. Ca ne s’oublie pas. Etrange. Cet homme fut son premier contact avec la gente masculine. Sa tête a failli exploser. En mille morceaux. Se désagréger. Il s’est raccroché, fermé. Perdu dans les limbes. Embrassant le néant. Puisque ses lèvres ne sont plus là. Se débarrasser des maux. Où les détritus de son cœur s’amoncèlent. Laborieusement. Car les calamités persistent. Elles se nourrissent de sa douleur. Pourquoi avait-il fait demi-tour ? Il aurait du se mettre en colère. Le haïr. Dire tout ce qu’il supporte depuis quatre ans. Finalement, ne serait-ce pas Woo Yun le plus misérable des deux ? Près de la sortie. Il fixait sans un mot l’extérieur. Sans vraiment porter son attention. Toujours dans ses pensées. La neige continuait à tomber. Il ne bougeait pas. Restant de marbre. Ne sachant où aller ni que faire. Il se dit que Ji Heon ne le pourchasserait certainement pas. Alors, qu’attendait-il pour ouvrir la porte ? Pour disparaître. Un espoir. Ridicule. Ce genre de personne ne doit pas s’intéresser à autrui. Woo Yun se faisait bien des idées. Quand bien même. Il n’était qu’un souvenir non ? Un souvenir présent. Qui lui tenait fermement le bras. Ce geste ne dura pas. Comme tous les autres. « Ne me dis pas d'attendre si c'est pour t'enfuir à ton tour. » Que pouvait-il bien faire ? Rester là. Devant cet homme. Souffrir. S’enfuir, ce fut la seule chose qu’il lui était venu à l’esprit. Il n’aurait pas pu le regarder en vain sans pouvoir lui parler ou le toucher. Il accuse sa voix de lui donner des frissons. Sa bouche de lui donner le vertige. Ne pouvait-il le laisser en paix ? Quel est son but ? Mensonge. Lui dire que rien ne s’était passé. Qu’il devait l’oublier surement. Que pour lui ce ne fut qu’un divertissement. Juste pour voir la tête que ferait ce petit gamin en sentait le contact d’une personne du même sexe que lui. Mission accomplie. Woo Yun, dans tous ses états, ne pu fixer Ji Heon plus longtemps. Baissant la tête.

Une silhouette se dirigea vers eux. Woo Yun remarqua que c’était la jeune femme avec qui il eu cette charmante conversation sur le dit Racine. Elle venait assurément lui faire des reproches. Relevant la tête. Il prit l’initiative de lui faire un signe de la main mais n’eu pas totalement le temps. Voilà qu’à nouveau, son « ami » s’empare de sa main cette fois-ci. Yun devînt confus. Il se sentait telle une marionnette. Si Ji Heon le repousse, pourquoi revient-il à la charge tant de fois ? A quoi cela les mène t-il. Dire la vérité. Ne plus vouloir de lui. Etre honnête. Silence. Cet endroit. Pas de bruits. Non. Monstrueux. Ji Heon allait-il entendre les battements réguliers du cœur de Yun. Il ne faut pas. Sérieusement. Ce serait la pire des humiliations. Surtout si rien n’est réciproque. Le jeune homme fixa longuement leurs mains accrochées, ne laissant pas entrevoir sa frustration. Le fuyant du regard. « Pardon. » Pardon ? Non. C’était trop facile. Il ne sait pas. Il ne peut imaginer l’enfer que vit Woo Yun depuis cet incident. La haine pour sa mère est d’autant plus grande maintenant. Il n’aurait pas du venir la voir. Pas à ce moment là. Quelle fadaise. Il n’aurait jamais du poser les yeux sur cet homme si imposant. Si charismatique. Il n’aurait pas du avoir ce pincement au cœur. Avoir cette envie. Qu’il l’appartienne. Rien qu’à lui. Si Bo l’apprenait, aurait-il honte de son ami ? C’est compréhensif. Il se sentait médiocre. Les poings serrés, mâchoires crispées. Les joues rouges. Le regard dans le vide. C’était la meilleure chose à faire. Disparaître de sa vie. Comme avant. Faire comme si tout cela n’avait été qu’un mauvais rêve. Il venait de le comprendre à l’instant. Voyant Ji Heon reculait. Il ne peut plus y penser. Imaginer cette vie perdue. Pour ça. Rien. A jamais Dans le puits. De son désespoir. S'étendre à demi-mort de peur. Des mots qui retiennent les heures. Et sans trouver le repos. Souffrir à force de s'attendre. Et tomber jusqu'à l'agonie. Il ne voulait pas mais ce lien qui le retient à Ji Heon est trop fort, trop violent... Son âme se défend, sa raison implore... crie pitié... Lui... Pour qui... il ne veut plus être un poids. Ne pas montrer ses émotions. Faire semblant. C’est tout ce qu’il lui reste.
« Laisses moi. » Dans un souffle... Une respiration... Ses mots, le contraire de ses gestes. Non. Il ne veut surtout pas ça. Il restait là. Vide. Attendant une quel conque réaction de Ji Heon. En avait-il trop dit ? Woo Yun posa sa main sur sa bouche. Comprenant qu’il avait peut-être commis une erreur. Tant pis. Son corps est lacéré. Ses yeux cernés. La haine pulse dans ses veines. Il ne peut plus faire l'enfant. Il n’aurait jamais du le rencontrer. Il était juste sa marionnette. Les pensées brouillées. Le coeur battant de tous côtés. Dans les yeux une lueur de férocité. Comme un sentiment de haine. Une envie de tout casser. Tous ses espoirs. Les briser. En mille morceaux à tout jamais. Envie de tout oublier. Mettre fin à l'imposture qui le cloue dans une vie à l'étroit. Finalement, Woo Yun lève la tête. Leurs regards se croisent de plus en plus. Il a complètement perdu le fil du temps.

C'était comme s'il manipulait une poupée de chiffon. Il le tirait à lui, le laissait s'éloigner et tirait de nouveau. Il faisait ce qu'il voulait, l'amenait où bon lui semblait. Il avait cru avoir à faire à un être doué de raison lorsqu'il avait enfin dit quelque chose, mais il en doutait encore à présent. Peut-être que ses paroles n'avaient été que le fruit de son imagination. Peut-être même que Woo Yun n'était pas réellement là non plus, et qu'il s'éveillerait soudain, en sueur, au milieu de son lit. Il l'espérait sincèrement, comme si cette fois n'eut été qu'un test, qu'un essai, et qu'il aurait tout le temps de se rattraper lors de la véritable épreuve. La véritable rencontre. Malheureusement, il savait qu'il aurait beau se pincer aussi fort qu'il le pouvait, il ne se réveillerait pas, et resterait là, face à lui, incapable de dire ou de faire quoique ce soit. Ji Heon se contentait de le dévorer des yeux, presqu'inconsciemment, soulignant les moindres changements. Il était toujours le même, aussi loin put-il pousser son exploration. Il avait toujours ce visage enfantin, aux joues rondes. Quel âge devait-il avoir à présent ? 19 ans ? 20 ans ? Il se rappelait vaguement qu'à ce niveau, ils étaient à la fois proche et lointain. En tous les cas, son âge, il ne le faisait pas. Mais c'était son regard surtout, ce regard qui n'avait en rien changé, et qui laissait passer tout ce qu'il taisait, tous les sentiments qu'il ne montrait pas. On pouvoir tout voir dans ces yeux là : mais ils semblaient tout voir également, et il lui semblait impossible de se soustraire à leur jugement, qui ne manquerait pas d'être dur. Mais n'était-ce pas tout ce qu'il méritait ? Il avait été le prie des égoïste, était parti sans une mot, sans un au revoir, n'avait jamais tenté de reprendre contact, aussi fort fut ce qu'ils avaient pu partager le temps d'une soirée. Ca n'était presque rien. Juste des lèvres qui s'effleurent, des respirations qui s'accélèrent, deux cœurs au rythme saccadé. L'un comme l'autre, ils n'avaient pas eu le temps de réaliser quoique ce soit, qu'ils se séparaient déjà, avant même d'avoir terminé, et même commencé, quelque chose. Ils étaient simplement partis, chacun de leur côté, dans leur vie respective. Bien sûr. Bien sûr il aurait pu... mais non. Non, il n'avait rien fait. Et avait simplement disparu.

Laisse moi. Ces deux mots claquèrent à ses oreilles comme le bruit du tonnerre auquel on ne s'attend pas. Il eut peur. Peur de ce "non" qui imprégnait tout son corps, de ce refus catégorique de tourner les talons, de s'enfuir encore une fois. Sa tête pourtant, ne cessait de le pousser à s'en aller, à le planter là, comme il le demandait, et à ne plus jamais rien lui demander. Ne plus lui devoir quoique ce soit. Mais ses jambes ne semblaient pas vouloir suivre cet avis, et il restait obstinément planté là, les yeux rivés dans ceux de Woo Yun, qui semblait scandalisé par ses propres paroles. Ainsi, lui non plus ne volait pas le voir partir ? Ah. Mais à quoi pensait-il. Tout cela n'avait pas d'importance n'est ce pas. Puisque rien ne comptait. Rien n'avait jamais compté. Ils avaient juste... juste besoin de... Ji Heon ferma les yeux, et soupira. Parviendrait-il à penser clairement tant qu'il se trouverait devant lui, à l'observer de cette façon ? Il la voyait. Cette haine, cette rancœur. Il ne savait pas vraiment si elle n'était dirigée que vers lui, sans doute eut-il été présomptueux de le penser, mais il savait qu'il en était en grande partie à l'origine. Parce qu'il n'avait jamais rien oublié, et qu'il savait qu'il en était de même pour Yun, qui le priait de le laisser en paix. Il ouvrit brusquement les yeux, et releva la tête. Mais pourquoi. Pourquoi devrait-il partir ainsi ? Parce qu'il lui en voulait ? Parce qu'il était en colère ? Mais alors, il n'avait qu'à lui crier dessus, hurler comme il l'avait fait un peu plus tôt puisqu'il était évident que seul lui avait pu le maudire de cette façon. Cela voulait-il dire qu'il pensait encore tellement à lui ? Etait-ce possible qu'il l'ait hanté à ce point, alors qu'ils n'avaient rien partagé d'autre qu'un peu de chaleur, eux qui en avait tant manqué ? Il fit un pas en avant, puis deux, jusqu'à ce que leurs deux corps ne soient plus séparés que par quelques centimètres. Dis-moi. Tu le veux vraiment ? Veux-tu vraiment que je te laisse, encore une fois ? Est-ce vraiment ce que tu souhaites ? Etait-il en colère alors ? Ou est-ce qu'il le troublait.... toujours ? Comme il avait troublé ce garçon de 15 ans, des années plus tôt, par son approche hasardeuse et son désir impérieux, qui lui réchauffait encore le creux des reins en cet instant. Il s'empara résolument du poignet de Woo Yun, encore une fois, et écarta sa main de sa bouche. Dis-moi ! dit-il plus fort, les yeux flamboyants. Puis. Comme s'il se reprenait, il recula soudain. Après seulement quelques minutes, comme si cette vive réaction n'avait été, elle aussi, qu'un rêve lointain.

Mais ses yeux brillaient encore, et il ne les détachait pas de ceux du jeune homme en face de lui, qui n'avait toujours pas bougé, ni eu la moindre réaction. N'était-il vraiment qu'un pantin ? Une marionnette ? Pourrait-il le manipuler à sa guise ? Non. Non, il ne voulait pas de cela. Ca n'était pas le garçon qu'il avait croisé il y a des années. Pourquoi ne dis-tu rien ? Est-ce que je te fais peur ? Es-tu en colère ? continua-t-il, d'une voix plus calme, posée que précédemment. Il se rapprocha de nouveau, forçant son vis à vis à reculer, jusqu'à ce que son dos heurte une étagère. Un livre tomba non loin d'eux, mais Ji Heon n'y prêta pas la moindre attention. Tout cela ne pouvait-il être qu'un rêve ? Les rêves n'étaient pas censée refléter nos désirs les plus secrets ? Sa main lâcha le poignet de Woo Yun, qu'il tenait toujours fermement, pour se perdre cette fois sur la nuque du jeune homme. Il le ramena alors brusquement contre lui, jusqu'à ce que leurs deux corps se touchent à nouveau, jusqu'à ce qu'ils ressentent encore cette même sensation, ce même désir, qu'il y a des années. Seulement, il n'avait pas prévu que tout cela, que la frustration, le manque et les regrets, rendent l'envie deux fois plus forte, deux fois plus impérieuse. Et lorsqu'il posa résolument ses lèvres sur celles de Woo Yun, c'est comme si un poids quittait soudain ses épaules, comme s'il n'avait rien attendu d'autre depuis tout ce temps. Il se retint à grand peine de ne pas aller plus loin, de ne pas le serrer contre lui jusqu'à ce qu'il meure dans ses bras. Et lorsqu'il recula, il ne chercha même pas à croiser son regard, trop inquiet de ce qu'il pourrait y lire, alors que lui-même n'était plus certain de savoir mettre un pied devant l'autre.

« Dis-moi. Tu le veux vraiment ? Veux-tu vraiment que je te laisse, encore une fois ? Est-ce vraiment ce que tu souhaites ? » Non. Jamais. Atroce. C’était abominable. Woo Yun ne pouvait bouger. Une statue. « Que je te laisse encore une fois. Encore une fois… » Ces mots raisonnés dans la tête du jeune homme. Il avait envie de hurler. Mais il ne pouvait le faire. Il était beaucoup trop offusqué. Ne pouvant s’enfuir à présent. Ca fait mal. Et il reste là. Sans rien dire. Dans le silence souvent on se barricade. Comme le dernier des imbéciles. Il ne réagit pas. Et s’il ne souhaitait effectivement pas que Ji Heon le laisse ? Qu’est ce que ca change ? S’il lui disait la vérité. Rien, surement. Tout n’est que mensonge. Rien ne s’est passé. Ce fut juste un instant sans lendemain. Voilà. Woo Yun devait se faire à cette idée. Bien que fausse pour lui. Il devait l’accepter. « Dis-moi ! » Celui-ci écarta la main de Woo Yun qui se trouvait précédemment sur sa bouche. Etait-il en colère ? Pourquoi ? Etait-ce si important pour lui, finalement ? Pour mieux le voir souffrir. Lui rendre la vie impossible, n’est ce pas ? Telle était la raison ? Ce regard. Yun ne pouvait détourner les yeux. Captivant. Bouche ouverte. Rien ne sortait. Le Silence. Son regard le déstabilise. « Pourquoi ne dis-tu rien ? Est-ce que je te fais peur ? Es-tu en colère ? » Peur ? Oui. Craintif. Apeuré. Pour la première fois. Yun appréhendait la réaction de son « ami ». Il ne comprenait pas. Son cœur, son âme, son corps tout entier, souffraient. Il sent un désir furieux monté dans son ventre. Sa respiration s'accélère. Dans les yeux toujours une lueur de dureté. Ji Heon se rapprocha de nouveau, forçant Woo Yun à reculer, jusqu'à ce que son dos heurte une étagère. Un livre tomba non loin d'eux. Dans une sorte de bulle. Woo Yun ne le remarqua pas. Même si, sous le choc, une petite marque en bas de son dos apparut. Invincible ? Non. Juste dans ses pensées. La tête un peu vide. Essayant tant bien que mal de décrypter les émois dans les yeux de cet homme en face de lui. Tout près. Soudain. Il sentit la main de Ji Heon sur sa nuque. Il frémit alors. Très surpris. Lui qui voulait disparaître de la vie de Hunny. Sentir ses doigts qui glissent. Il était trop près. Beaucoup trop. Son cœur palpite. Le simple fait d’avoir à nouveau son corps contre le sien. Un tourbillon merveilleux. Sentir encore une fois son corps. S’enivrer de sa chaleur. De son arôme. Leurs souffles mêlés. Il se sent à l’étroit. Son être se consume. Il l'attire vers lui dans un brûlant baiser. Onde de choc, c'est viscéral. Ses lèvres lui donnent le vertige. Chaque parcelle de sa peau qui réagit. Les yeux écarquillés, comme si un esprit venait d’apparaître juste devant lui. D’un coup il a cette envie. De le prendre. De le bousculer. Des âmes embrasées.

Néanmoins, il ferma à son tour les yeux. Sensation à la fois exquise mais aussi véritable torture. Lorsqu'on est dans cet état d'esprit tout tourne autour de cette envie qui nous taraude les reins. Il est son obsession. Il se mit à réfléchir longuement. Prit une décision, pour le moins brusque. « N’as-tu donc pas compris ? Je ne veux plus… »
Il marqua une pause. Silence. Puis reprit.
« Je ne veux plus jamais te revoir ! » L’intonation de sa voix avait changé. La haine s’empara à nouveau de lui. Pourtant. Ce n’est pas ce qu’il désire. Oui il a un je ne sais quoi qui attise sa convoitise, et pourtant ce n'est pas une évidence. Mâchoires crispées. Poings serrés. Une envie de le frapper. Pour qu’il conçoive sa souffrance. Mais il ne fit rien. Il se sentait confus. Il n’est pas une exception, beaucoup subissent cette cérébrale violence. Fuyant alors Ji Heon du regard. Il fit demi-tour. A quoi cela mène t-il ? Ce n’était qu’une petite fête après tout. Rien de bien méchant. Si cet homme ressentait de la pitié pour lui. Ce n’était pas la peine de continuer ce chemin. Il deviendrait un fantôme. Laissant Ji Heon de côté. Après tout, il l’avait mérité non ? Avoir ce genre de sentiments pour un homme, alors qu’il ne le connaissait même pas. L'existence est bien triste quand elle n'est que conformité. C’est vrai. Il ne savait rien de sa vie. De ses goûts. Et pourtant, il ne pouvait ne plus penser à lui. L’imaginer avec une autre personne. La chose la plus déplaisante. Sauf que. Se faire à cette idée. Une obligation. Le manque sur lui montre sont incidence. Elle cogne à sa porte la démence. Il ne se laisse plus une minute de répit à ses sens. Il est en totale insuffisance. Dans sa tête il règne une telle agitation. Lorsque le mauvais sort s'acharne, il frappe en escouade. Et pendant qu’il se dirigeait vers la sortie une nouvelle fois, il ne fit pas attention. Il y a ces petits détails qui pour le commun des mortels seraient sans importance mais qui pour lui en ont plus que de raison. Des petites choses qui lui chamboulent la tête et pourtant il s’assure que sa tête n'a pas besoin de cela pour être chamboulé. L'espace d'un instant dans sa tête tout se bouscule. Donnant un cou de coude à l’étagère. Un livre tombe juste sous ses yeux. Il le ramasse. Etourdi. Les informations s'accumulent. Une coupure. Sur son doigt. Quelques gouttes de sang.

C'était une sensation étrange, une sensation sur laquelle il ne parvenait pas à mettre de mots. S'il aimait cela ? Il ne le savait pas vraiment. Tout lui semblait bien trop confus encore, même chaque émotion lui semblait calquée sur celles qui l'avaient envahi quatre ans plus tôt. Devait-il en avoir peur ? Il ne savait pas. Ne savait plus grand chose à vrai dire, et encore moins ce qu'il devait dire, ou faire. Alors il se laissait aller au n'importe quoi, laissant cette impulsivité qui l'avait toujours caractérisé prendre le contrôle. Sa main, posée sur la nuque de Woo Yun, le brûlait comme s'il l'avait plongé dans le pire des brasier. Mais il ne parvenait pas à desserrer son emprise, comme s'il espérait trouver une réponse à toutes ses pensées et ses gestes frisant l'irrationnel, sur les lèvres de celui qu'il serrait contre lui. Mais le geste, la situation, il le savait, n'avaient rien de romantique. C'était là la simple réalisation d'un désir de luxure si fort qu'il lui embrasait tous le corps, l'empêchant d'utiliser correctement sa tête. Tout ce qu'il savait là, en cet instant, c'est qu'il avait irrémédiablement envie de ce morceau de passé qui se trouvait à présent là, devant lui. Envie jusqu'à l'en consumer, jusqu'à blesser les lèvres qu'il avait posé sur les siennes, tant il parvenait à peine à contenir son désir grandissant. Désir qu'il se souvenait avoir vaguement ressenti dans une autre époque, un autre temps. Pour la même personne. Et il ne comprenait pas pourquoi lui. Pourquoi toujours lui. Il en avait croisé de jolies filles, de charmants garçons aussi, mais jamais, plus jamais il n'avait sentit en lui cette lame de feu le traverser, le dévorer, comme il l'avait ressentit ce jour là, alors qu'il avait sentit monter l'urgence de sentir son corps contre le sien. Et lorsqu'il recula, ce fut presque avec souffrance, comme si on lui arrachait des mains ce qu'il avait convoité depuis toujours. Le souffle court, il s'éloigna prudemment, le regard rivé au sol et les yeux écarquillés. Pour ce qu'il venait de faire, il n'avait aucun explication, juste l'impression confuse d'une envie trop forte pour être réprimée. Il passa sa langue sur sa lèvre meurtrie, puis son doigt, qu'il retrouva légèrement rosée. Une telle urgence, une telle violence, n'était pas rare chez lui. Pourtant, il ne pouvait empêcher un trouble, dont il ne déterminait pas l'origine, de prendre peu à peu possession de son esprit. Pourquoi ? Pourquoi...

N'as-tu donc pas compris ? Je ne veux plus... Un silence qui s'éternise, durant lequel Ji Heon ne peut s'empêcher de lever les yeux vers lui, les joues encore rouge de surprise et, il n'en doutait pas un instant, de ce même désir qu'il avait ressenti. Et qu'il ressentait encore. Quelque chose de si brusque et animal ne pouvait qu'être réciproque, non ? Je ne veux plus jamais te revoir ! Devait-il répondre quoique ce soit ? Et même s'il avait su quoi dire, il n'en eut pas le temps. A peine eurent-ils échangé un regard chargé de reproches muets et d'excuses à la fois, que Woo Yun tournait les talons, pour disparaître dans une allée. Lui avait la gorge nouée, le regard perdu dans les rangées de livres qu'il ne voyait pas. Il venait de sentir quelque chose se briser en lui, sans qu'il puisse savoir de quoi il en retournait. Mais il y avait tant de choses. Trop de choses. Peut-être finalement, n'aurait-il jamais du entrer dans cette bibliothèque. Oui, il aurait du faire demi-tour à peine eut-il entendu le son de cette voix crier son nom. Mais ne disait-on pas qu'on ne refaisait pas le monde avec des "si" ? Et bien lui y parviendrait. Il n'avait pas d'autres choix. Pas d'autres options. Et s'il lui laissait assez de temps, maintenant, pour s'éclipser, alors il n'y aurait que peu de chances qu'ils se recroisent un jour, et le vœu de Yun serait ainsi exaucé. Si. Mais lui ne voulait pas déjà écrire son futur. Et lui ne partageait pas se souhaits. Lui, inexplicablement, voulait encore toucher. Cette étreinte brève n'avait fait qu'accentuer cette envie irrépressible et incontrôlable, cette envie de ne l'avoir que pour lui tout seul, ne serait-ce qu'une seconde. Ou pour l'éternité. Il ne l'expliquait pas. C'était inconcevable. C'était un écho, un souvenir de cette soirée où rien n'avait été achevé. Ils étaient tous les deux restés sur leur faim, et Ji Heon était de nouveau affamé. Était-ce possible alors qu'ils n'avaient partagés que de si courts moments ? Il se rappelait certaines aventures plus longues, plus douces, plus agréable peut-être, car sans cette impression de se brûler à chaque contact. Et pourtant, rien ne valait ce qu'il ressentait à présent, pour cet homme qu'il ne connaissait pas. Qu'il n'avait jamais connu et qui, pourtant, était le plus apte à lui faire perdre la raison et le contrôle de ses sens. C'était égoïste. Mais il ne parvenait pas à se détester pour cela. Quoique Woo Yun en dise, il n'était pas prêt à se passer encore de ce contact.

Il posa d'abord son regard là où il venait tout juste de disparaître. Et sans perdre son temps en hésitations stériles, il suivit ses traces, et le trouva arrêté seulement quelques rayons plus loin. De nouveau immobile, Ji Heon prit son temps, et l'observa à nouveau sous toutes les coutures. Cherchait-il encore une fois des réponses à des questions qu'il n'avait pas ? Le corps tout entier du jeune homme semblait lui crier quelque chose. Sa présence, ses réactions. Pauvres et effrayantes réactions. Il s'approcha lentement, ne tendant pas à davantage lui faire peur. Ne pas le faire fuir surtout. Juste le temps de poser à nouveau son regard et ses mains sur lui. Était-ce donc tout ce qu'il était ? Un pervers ? Pour la première fois de la journée, il eut un sourire. Un sourire en coin. Un sourire malsain. Il disparu d'ailleurs bien vite, pour laisser place à une expression préoccupée lorsqu'il le vit penché sur sa main, l'air perdu. Ji Heon vit d'abord le livre, puis la blessure, peu profonde, mais qui laissait déjà perler quelques gouttes de sang. Il s'approcha alors, encore une fois, mais plus doucement, avant de lui prendre le livre des mains, pour le poser distraitement sur une étagère, non loin d'eux. Il prit la main blessée de Yun, qu'il serra dans la sienne, comprimant ainsi la plaie, et lui offrant une nouvelle fois le possibilité de le toucher. Il en profitait, bien sûr. Et s'il n'exultait pas, il n'en était pas loin. Mais c'était plus fort que lui. Plus fort que tout. Il en avait besoin. Besoin de le toucher encore. Et encore. Cela faisait si longtemps qu'il attendait de ressentir cela à nouveau. Ainsi, tu n'as rien d'un pantin. commença-t-il soudain, alors qu'il desserrait son emprise sur la main du garçon. Je suis rassuré. Et il porta à sa bouche sa propre main, souillée des quelques gouttes de sang de Woo Yun. Un geste provocant, malsain, mais il semblait prêt à tout pour le voir réagir. Pour voir sa colère. Son dégoût. Son désir.

Il ne le quittait pas des yeux, attendant de voir ce que provoquerait chez lui tous ces gestes et ces regards, qu'ils n'avaient plus eu l'un pour l'autre depuis des années. A quoi tout cela pouvait bien rimer ? Il l'avait aperçu la première fois il y avait à peine une heure, et il se retrouvaient déjà... là. Mais où était-ce exactement ? Y avait-il un retour en arrière possible ? Un moyen d'effacer tous ces gestes faits depuis ces dernières minutes ? Où tout cela devait-il les mener, eux, de parfaits inconnus, qui se retrouvaient pourtant plus proches qu'aucun des deux n'avaient sans doute pu l'être de quelqu'un d'autre. Ji Heon laissa un moment sa paume contre ses lèvres, alors qu'un goût métallique imprégnait peu à peu l'intérieur de sa bouche. Aucun plaisir dans ce geste, aucun frisson comparable à ceux qu'il avait pu avoir en touchant ses lèvres à lui, qui le regardait à présent d'une étrange manière. Il s'attendait à voir un poing partir, voire un mot blessant. Oui, il s'attendait davantage à une preuve de haine et de dégoût que de désir. Mais malgré cette certitude, celle de souffrir, il ne pouvait se décider à faire demi-tour avant de subir les conséquences de ses actes. Etait-ce vraiment lui qui agissait ainsi ? Ou tout cela n'était-il, en définitive, qu'un rêve ? Bien qu'il en ait mille preuves jusqu'alors, il croyait toujours difficilement à la réalité de cette scène, où tout se déroulait bien trop rapidement à son goût. Il laissa finalement sa main quitter ses lèvres, et son visage, et ses doigts effleurèrent une bouche qu'il imagina un instant être celle de Woo Yun, qui n'avait toujours pas esquissé le moindre geste. N'était-il réellement que pierre, sel ou bois ? Se briserait-il s'il osait le secouer un peu trop fort ? Et que faudrait-il faire pour l'éveiller de son sommeil artificiel ? Le baiser n'avait pas été particulièrement efficace. A moins que le problème ne vint du prince charmant... Il manqua sourire à cette pensée, mais n'en eut pas le temps. Avant qu'il n'ait pu réaliser quoique ce soit, il se sentit tiré en avant, et des bras l'entourèrent soudain. Sourcils froncées, il reporta son attention sur Woo Yun, dont l'attention n'avait pas dévié. Ses lèvres entrouvertes et le soupir qu'il laissa échapper étaient teintés d'un érotisme dont il ne semblait pas se rend compte, et Ji Heon du prendre sur lui-même pour ne pas se laisser submerger par la chaude vague de désir qui s'empara de lui à cet instant.

Tu es si entêté. Pourquoi un tel acharnement ? Il pencha légèrement la tête, indécis quant à la réponse à donner. En attendait-il seulement une ? Pourquoi ? Toujours ce mot qui revenait sans cesse, et auquel il ne parvenait décidément pas à trouver de réponses. Pourquoi oui, lui aussi aurait sans doute donné beaucoup pour le savoir. Aussi préféra-t-il ne rien dire, attendre simplement. Attendre quoi ? Cela non plus, il ne le savait pas. Il se contentait de l'observer encore et encore, comme si sa vie en dépendait. Mais s'il avait un tant soit peu eu pitié de sa santé mentale, il aurait quitté l'étreinte de Woo Yun avant qu'il ne puisse le piéger dans son regard, qu'il finit pourtant par détacher du sien. Imperceptiblement, il rapproche son corps du sien, se faisant tentation peut-être, mais peut-être davantage pour lui-même que pour le jeune homme qui l'accrochait encore. Jusqu'où pourrait-il tenir ? Se contrôler ? Jusqu'où ? Quelles limites ne pourraient dépasser la retenue de ses sens ? Et au fond, avait-il réellement envie de retenir quoique ce soit ?... Et alors qu'il n'avait pas bougé, attendant toujours une quelconque réaction sans trouver de réponses aux mots qui avaient été prononcés, il sentit de nouveau ses lèvres contre les siennes. Ce fut d'abord un contact léger, une caresse sur le coin de ses lèvres. Puis ce fut toute la force d'un désir comparable au sien qui imprima sa marque. Etait-il fou ? Comment pensait-il pouvoir le tenir loin en le tentant à son tour de cette façon ? Il perdait le contrôle, et étrangement, l'inquiétude s'effaçait derrière l'excitation, qui enflait son cœur. Il répondit alors au baiser sans se faire prier, sa bouche se fit insistante, exigeante, et il le repoussa brusquement contre la bibliothèque derrière eux, qui trembla sous l'impact. Ses mains, curieuses, reprirent là où elles s'étaient arrêtées des années plus tôt. Ses mâchoires, sa nuque, chaque centimètre de peau nue passa sous ses paumes, et il semblait se brûler à chaque contact. Le parfum de Woo Yun l'enivrait, tout autant que sa présence, son corps si proche. Trop proche. Mais tant pis. Il ne pensait plus à l'inconséquence de ses actes, ni au manque de logique qui les habitait tous les deux. C'était comme s'ils ne pouvaient pas faire autrement que de se découvrir, que de se toucher encore et encore, chaque fois que leur route se croisait. C'était effrayant. Monstrueusement excitant. Et tout cessa soudain. Comme tout avait commencé.

C'est ce que tu veux. Je ne suis qu'une sorte de divertissement, n'est ce pas ? Si c'était ce qu'il voulait ? Oh oui. Mille fois oui. Et plus encore. Il voulait sentir plus que ce que pouvaient lui offrir ses mains. Il voulait tout son corps pour le toucher. Et il y avait beaucoup trop de questions. Beaucoup trop de réponses qu'on exigeait et qu'ils ne pouvaient pas donner. Et pour toi Woo Yun, dis-moi, qu'est ce que je suis ? répondit-il simplement, front contre front, le souffle court, alors qu'il ne détachait pas ses yeux des siens. Pour garder un peu de son goût, ou simplement pour ajouter de l'indécence à la situation, Ji Heon caressa les lèvres de son vis à vis du bout de sa langue, avant de s'éloigner, en soupirant. Je ne sais pas quoi te dire. Le saurais-tu toi ? Saurais-tu me dire pourquoi ? Pourquoi est-ce que j'ai cette envie de t'embrasser jusqu'à ce que tu crèves asphyxié ? Il baissa les yeux, un sourire en coin, et passa une main sur sa nuque endolorie, presque gêné. Je suis désolé. Pour tout ça, c'était... Il eut un rire sans joie, avant de lever la tête et de sourire presque timidement au jeune homme, toujours adossé à la bibliothèque. C'était oui... c'était. Une lueur de tristesse, de regret peut-être, passa dans son regard, alors qu'il reculait encore, jusqu'à quitter son souvenir des yeux et faire demi-tour, disparaissant entre les rayonnages, jusqu'à quitter ces livres et ce lieu qui ne lui apporteraient sans doute plus jamais le même réconfort. Mais il avait beau faire, il y avait toujours ce nom qui flottait sur ses lèvres, dans sa tête. Dans tout son être.